La Guyane manifeste sa singularité française au Synode sur l’Amazonie

La Guyane manifeste sa singularité française au Synode sur l’Amazonie

À l’occasion du Synode, l’Amazonie française s’est fait entendre via la conférence du Secours Catholique-Caritas France. Mgr Lafont, évêque de Cayenne, ainsi que les deux représentants élus par les communautés autochtones guyanaises, Aikumale Alemin du peuple Wayana et Rosalie Fonki du peuple Bushinengue, ont également porté la voix des Indigènes amazoniens et citoyens français de ce territoire d’Amérique latine.

Grande de presque 84 000 km2, la Guyane a sa part des 5,5 millions de km2 de l’Amazonie. Mais comme le fait remarquer l’évêque de Cayenne, Mgr Emmanuel Lafont, la situation est singulière pour la Guyane par rapport aux neuf autres pays, «dans la mesure où nous ne sommes pas un État indépendant mais nous dépendons de l’État français».

Des «nations» indigènes dans la nation française 

L’appartenance à la nation française n’est pas évidente pour les peuples indigènes. Pour Maryse Gauthier, présidente du Secours Catholique – Caritas France en Guyane, l’intervention française, par la diffusion de sa culture auprès des citoyens français amérindiens, reste la cause de difficultés que rencontrent encore aujourd’hui les peuples autochtones:  «On leur a imposé l’éducation sans tenir compte de l’organisation sociétale qui existait chez les Amérindiens. Ça a été un choc qui se répercute encore aujourd’hui, on assiste à la fuite de cette connaissance ancestrale de la société amérindienne, et en même temps, ils ne sont pas totalement intégrés dans ce modèle français qu’on leur propose.»

Les six peuples amérindiens de Guyane se considèrent comme des « nations » différentes par leur langue, leur mode de vie et coutumes. «Ces nations amérindiennes, rapporte Maryse Gauthier, qui cohabitent sur le territoire guyanais, sont solidaires entrent elles face à l’État français pour demander qu’elles soient reconnues, et qu’on leur redonne leur autonomie qu’elles avaient avant qu’on les intègre dans le département français.» Une de leur principale revendication est que l’État français reconnaisse la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail qui donne l’autonomie de gestion du territoire aux communautés.

Incompatibilité des mesures nationales et des modes de vie indigènes

Les manifestations d’avril 2017 en Guyane ont été l’occasion pour les peuples indigènes de mettre en lumière les problématiques qu’ils rencontrent. «Ils ont obtenu, mais uniquement sur le papier pour le moment, qu’on leur réattribue 400 000 hectares de terre pour qu’ils en fassent une autogestion comme ils le demandent», indique la présidente de Caritas en Guyane.

Mais Maryse Gauthier regrette que des mesures prises depuis la métropole soient appliquées dans le département guyanais sans connaissance des réalités amazoniennes. Bien souvent, cette législation extraterritoriale entrave le mode de vie des communautés indigènes, sans toutefois les protéger contre les menaces qui pèsent sur eux. Maryse Gauthier donne l’exemple de la restriction de la chasse décidée par l’Office National des Forêts et appliquée sur tout le territoire français, y compris la Guyane. «Les peuples amérindiens ont démontré leur capacité à préserver la nature, à permettre qu’elle se reproduise, parce qu’ils en vivent, et aujourd’hui ce sont des bureaucrates français qui veulent venir leur expliquer comment est ce qu’ils doivent chasser chez eux».

L’évangélisation pour et par les peuples indigènes 

Les peuples indigènes ne souhaitent pas que l’Église les empêche de perpétuer leur tradition. «Ils savent bien que dans toute culture il y a des choses que l’Évangile affronte, indique Mgr Lafont, mais ils ne souhaitent pas que par principe on dise que dans l’Église, celui qui adhère au Christ abandonne sa culture, son mode de vie etc. Cela, ils ne l’acceptent pas. Et ils ont totalement raison». Pour l’évêque de Cayenne, le moyen le plus respectueux et efficace de transmettre la foi est de laisser les Indigènes la faire leur et la partager à leur communauté. Il donne l’exemple d’Aikumale Alemin, amérindien du peuple Wayana en Guyane, qui l’a accompagné au Synode: «Je l’ai baptisé il y a huit ans, raconte Mgr Lafont, et aujourd’hui il y a une communauté catholique d’une cinquantaine de membres». Aikumale Alemin a fondé une communauté catholique dans son village. Lui et sa femme sont en cours de traduction de l’ordinaire de la messe et de chants en wayana, la langue de leur ethnie. «C’est à lui d’inculturer, et il le fait admirablement», se réjouit le prélat.

Un Synode sur l’Amazonie, des bonnes nouvelles pour toute l’Église

Bien que le Synode porte sur les problématiques que rencontre l’Amazonie, il concerne toute l’Église et chacun de ses diocèses. Mgr Lafont expose trois bonnes nouvelles qu’il pourra partager à la Conférence des évêques et à toute l’Église de France. «La première c’est qu’il faut retrousser nos manches. La deuxième c’est qu’il faut prendre au sérieux Laudato Si et l’appliquer concrètement, nous pour commencer, l’Église doit montrer l’exemple d’un autre style de vie que le modèle technocratique actuel. Et la troisième bonne nouvelle, c’est que le chemin synodal qu’est le chemin de l’Église du XXIe siècle invite l’Église de France à se laisser enrichir par les autres Églises du monde. Car même pour résoudre nos problèmes français, nous avons besoin de l’éclairage des autres.»

L’éclairage de Maryse Gauthier, présidente du Secours Catholique – Caritas France en Guyane 

 

Cécile Mérieux – Cité du Vatican