Matthias remplace Judas

« Frères, il fallait que l’Ecriture s’accomplisse.

En effet, par la bouche de David, l’Esprit Saint

avait d’avance parlé de Judas, qui en est venu à

 servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus »

Actes des Apôtres 1,15-17.20-26.

 

L’expression du Livre des Actes – ici sur les lèvres de Pierre – selon laquelle Judas a accompli l’Ecriture en trahissant Jésus n’est pas facile à interpréter. Elle décrit bien notre difficulté à comprendre comment la toute-puissance de Dieu se dévoile face au mal. Judas était-il libre ? Si nous disons oui, alors, où est la puissance de Dieu ? Et si nous disons que Dieu a voulu la trahison de Judas, alors, où est la liberté de ce dernier ?

 

Si nous interprétons les paroles de la Bible en ce sens que Dieu aurait voulu la trahison de Judas, nous comprenons mal cette Parole. Dieu ne peut pas vouloir le mal. Mais il en tient compte pour que son projet avance, avec et non pas en dépit de la liberté de l’homme. Ainsi, le mal ne tient pas tête à Dieu. Dieu, le premier, est vainqueur du mal par le bien. Il est vainqueur de la lâcheté de Judas par l’offrande du Christ sur la croix, et par le oui de Matthias.

 

Dieu ne veut pas le mal. Mais il l’inscrit dans son projet. Il fait en sorte que le mal n’ait pas le dernier mot, mais que son désir de salut, lui, ait le dernier mot. C’est ainsi que la défection de Judas ne fait rien dérailler du tout. En ce sens, Dieu tourne en bien le mal, il a ce pouvoir-là ! Il offre même à Judas la possibilité, d’une manière que lui seul et Judas connaissent, la possibilité de se repentir et de vivre. Ce qui s’est passé entre eux est leur secret. Mais qui peut douter que l’amour de Dieu ait agi en faveur de Judas, dans le respect, évidemment, de la liberté de l’homme ?

 

Mettre en mots humains la capacité de Dieu à faire aboutir son projet et à accomplir sa volonté en tenant compte des refus humains n’est pas facile. La Bible a choisi de dire que tout ce qui s’accomplit est connu de Dieu à l’avance. C’est par rapport à nous qu’elle s’exprime ainsi, car nous sommes dans le temps. Dieu n’y est pas ! Il n’est ni dans le temps ni dans l’espace. Tout cela a été créé par lui, mais il n’en dépend pas. Tel est le mystère de l’existence à la foi de Dieu et de la création ! les deux coexistent mais ne sont pas au même niveau. La création est limitée dans l’espace et dans le temps, alors que Dieu n’est aucunement limité !

 

Seigneur Jésus, nous te bénissons de t’être inscrit dans notre réalité humaine et historique par ta venue dans notre chair. Soumis à l’espace et au temps, toi par qui ces choses ont été créées, tu es venu sauver ceux qui te condamnaient pour accomplir ainsi le salut que ton Père désire pour tous. Tu as choisi des hommes fragiles mais sans que leurs péchés ne détourne ton salut de sa puissance.  Béni sois-tu pour les apôtres et pour Matthias. Donne-nous de ne jamais désespérer de ta puissance sur nos péchés et nos lâchetés.  

 

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane