N’étions nous pas convenu de ce prix ?

« Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

 

Matthieu 20, 1-16

 

Avec le chapitre 20 de Saint Matthieu, nous approchons de la semaine décisive et de l’affrontement final entre Jésus et ceux qui veulent sa mort. Le Maître choisit d’aller au bout de son message d’évangélisation. Ce qu’il apporte est une véritable révolution : il veut donner une nouvelle chance à tous les damnés de la terre, toutes celles et tous ceux qui n’ont, sur la terre, aucune chance ! Aujourd’hui, il parle des chômeurs. « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? – Parce que personne ne nous a embauchés ».

 

Comment ne pas entendre ces paroles avec intensité, dans une Guyane où plus de 25% d’adultes, dont 50% de jeunes sont sans emploi ? Bien sûr, Jésus ne parle pas de celles ou de ceux qui renoncent à travailler, préférant peut-être les facilités d’un assistanat financier. Il ne pense pas, cependant, que la majorité des chômeurs soit dans ce cas. Evidemment ! Chaque année, plus de 3 000 jeunes arrivent sur le marché du travail, alors que seulement 1 000 emplois sont créés. Et Jésus nous invite à entrer dans son indignation et dans sa bonté.

 

Ecoutons les paroles du pape François : « Le travail devrait être le lieu de ce déve­loppement personnel multiple où plusieurs dimen­sions de la vie sont en jeu : la créativité, la projection vers l’avenir, le développement des capacités, la mise en pratique de valeurs, la communication avec les autres, une attitude d’adoration. C’est pourquoi, dans la réalité sociale mondiale actuelle, au-delà des intérêts limités des entreprises et d’une rationalité économique discutable, il est nécessaire que « l’on continue à se donner comme objectif prioritaire l’accès au travailpour tous ».

 

Jésus affirme également la nécessité d’offrir un juste salaire, c’est-à-dire un salaire qui permette de vivre. Combien de gens ne sont pas justement payés, sans compter les gens sans papiers qui se font exploiter par des personnes ou des entreprises qui en profitent lâchement, non sans parfois, crier sur les personnes en situation irrégulière au moment même où ils les exploitent !

 

Seigneur Jésus, je te rends grâce d’avoir caché cela aux sages et aux savants. Ta volonté est vraiment de te rapprocher de tous et de leur offrir une chance véritable. Garde mon œil de l’envie et du mépris ; aide-moi à m’indigner que tant de tes frères et de tes sœurs soient exclus de fait des biens de la terre et donne-moi le courage de te rejoindre dans cette proximité avec les derniers, afin que, si possible, je fasse partie avec eux des premiers lorsque tu viendras nous prendre dans ton Royaume.

 

† Emmanuel Lafont

Evêque de Cayenne