Les pauvres… invitez-les !

« Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la vile : les pauvres, les estropiés, les aveugles  et les boiteux, amène-les ici ! »

Luc 14,16-24.

 

La parabole des invités au repas n’a pas, chez Luc, le lustre qu’elle a acquis chez Matthieu où elle est devenue la parabole des noces du fils du roi (cf. Matthieu 22,1-14). Elle est beaucoup plus simple, et sans doute plus proche de ce que Jésus a pu dire. En effet, Matthieu l’a transformée en allégorie de l’histoire d’Israël, et lui a rajouté un appendice pour que les invités aient « le vêtement de noces », sans doute la robe du baptême.

 

Dans cette parabole, les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux prennent la place des invités qui ne sont pas venus. Ce qui les caractérise, c’est tout simplement leur statut physique, qui les garde à la périphérie de la société. Avec Jésus, la périphérie arrive au centre, puisque le centre n’honore pas l’invitation qui lui est faite.

 

Dans saint Luc, il est souvent question de substitution ! Depuis le Magnificat où « il renverse les puissants de leur trônes, il élève les humbles, (Luc 1,52) en passant par les Béatitudes où il proclame heureux vous les pauvres… et malheur à vous les riches, (Luc 6,20.24) jusqu’à la parabole de Lazare et du riche (Luc 16,19,31), Luc montre que Jésus opère un renversement à 180 degrés de la situation humaine inégalitaire et injuste à ses yeux.

 

Ainsi, le Règne de Dieu se définit-il comme un bouleversement du désordre social dans lequel nous vivons. Participeront à ce Règne les pauvres, et ceux, parmi les riches, qui auront rejoint le Christ dans sa proximité avec la périphérie du monde.

 

Seigneur Jésus, tu n’as pas fait le monde pour que se forme une périphérie humaine, à la porte de la dignité et de la jouissance des biens nécessaires à la vie. Tout ton Évangile, et tout ton comportement manifeste cela. Aide ton Eglise, et aide chacun de nous à mettre au centre de notre cœur et de notre amour celles et ceux que ce monde a rejeté aux périphéries du bonheur.

 

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane